Une première en France « grâce » au dossier Thomé- Génot
14 SEPTEMBRE 2010
CHARLEVILLE-MÉZIÈRES (Ardennes). Une première en France. Le tribunal de grande instance de Charleville- Mézières examinera le 1er octobre l'assignation pour faute du tribunal de commerce dans le dossier Thomé- Génot.
SELON l'avocat des salariés Xavier Medeau, il s'agirait bien d'une première en France. Le vendredi 1er octobre, le tribunal de grande instance de Charleville entendra les plaidoiries des deux parties en présence dans le cadre de l'assignation pour faute du tribunal de commerce lorsqu'il accorda la reprise de Thomé-Génot à l'automne 2004.
Cette procédure avait été initiée en date du 30 décembre 2008 : au nom des exsalariés, l'avocat avait alors précisément assigné l'agent judiciaire du Trésor (*) - en charge des intérêts de l'Etat - devant ledit tribunal de grande instance de Charleville.
Pour Me Xavier Médeau, « le tribunal de commerce a commis une faute lourde dans sa décision du 24 octobre 2004 en homologuant le plan de continuation de la société ATG au bénéfice de la société Catalina. »
Enième avatar
Et de prétendre dans cette assignation que les juges consulaires ont statué « sans le moindre élément comptable du repreneur » (Catalina) et en homologuant un plan de redressement qui n'était plus conforme à l'offre qui avait été déposée quelques jours plus tôt.
En l'occurrence, pour le premier grief, il est reproché au tribunal d'avoir confié « les yeux fermés » une entreprise de 320 salariés à une société dont il ne savait rien (Catalina Advisors étant basée au Delaware, un état américain réputé pour ne pas être très regardant : il n'y existe ni impôts sur les sociétés, ni obligation de tenir une comptabilité !) et pour le second, d'avoir validé l'offre de Catalina alors que le jour de l'audience, l'apport du fonds d'investissement Lightyear (qui devait s'élever à 3 millions d'euros) et qui était mentionné dans l'offre écrite, avait disparu du montage (ce que le PDG de Catalina Greg Willis expliqua d'ailleurs très tranquillement devant les juges !).
De son côté, souvent critiqué, le tribunal de commerce de Charleville s'était toujours défendu avec vigueur, par la voix de son président d'alors, Jean-Louis Noizet, expliquant avoir simplement appliqué la loi et notamment donné sa préférence à l'offre préservant le maximum d'emplois…
Cette fois, ces arguments devront être présentés devant les juges… du TGI, de même qu'il faudra expliquer pourquoi, malgré des zones d'ombres, confiance fut maintenue à Catalina. Le caractère relativement tardif de cette procédure tient au fait qu'il s'agit de réclamer des dommages et intérêts pour une vingtaine de salariés qui n'ont pu contester leur licenciement devant les prud'hommes (et de l'accord d'indemnisation qui en résulta), notamment ceux qui bénéficièrent d'une préretraite via le dispositif FNE (et qui furent de plus exclus de la prime liée au CTP).
Il n'empêche : si l'on a déjà vu des décisions de tribunaux de commerce faire l'objet d'un appel, c'est donc bien, a priori, une première que d'ester en justice sur le bien fondé d'une décision, en l'occurrence estimer qu'il y a eu faute.
Un énième avatar (et pas le moins intéressant) d'un feuilleton social puis judiciaire, qui a déjà vu le PDG de la société américaine être condamné en juillet 2009, en compagnie de son adjointe, à cinq années de prison par le tribunal correctionnel de Reims, pour abus de biens sociaux.
Et malgré une demande d'extradition, ces deux citoyens américains n'ont pas à ce jour été inquiétés.
Philippe MELLET
(*) L'agent judiciaire du Trésor est le représentant de l'État (dès lors que le plaignant fait état de préjudice
financier) devant toutes les juridictions civiles ou commerciales (sauf ce qui concerne l'impôt et les Domaines).