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avocat en droit du travail à Charleville-Mézières
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Thomé-Génot / La légèreté, une faute lourde ?

23 FÉVRIER 2012

 

NOUZONVILLE (Ardennes) On saura le 3 avril si le tribunal de commerce de Charleville a commis une faute en confiant Thomé-Génot à des Américains qui allaient conduire l'usine à sa perte.

Initiative juridique considérée comme une première, au nom des anciens salariés écartés des dispositifs et indemnités mis en oeuvre lors de la liquidation de la société, à l'automne 2006, l'avocat carolo Xavier Médeau avait attaqué l'Etat, en la personne de l'Agent judiciaire du Trésor, pour faute lourde du tribunal de commerce de Charleville quand celui-ci accorda la reprise des Ateliers Thomé-Génot au groupe américain Catalina en 2004.

En première instance, en novembre 2011 (les débats avaient eu lieu en 2010), le tribunal de grande instance de Charleville avait débouté les salariés.
Mardi, la chambre civile de la cour d'appel de Reims examinait une nouvelle fois ce dossier, considéré comme le dernier avatar judiciaire d'une chronique exceptionnellement fournie, puisque l'affaire Thomé-Génot a déjà donné lieu à des procédures prud'homales et surtout pénales, le PDG américain et son adjointe ayant été condamnés pour abus de biens sociaux à cinq années de prison en correctionnelle (par défaut, les prévenus continuant à couler des jours tranquilles en Californie).
Pour mémoire, alors en redressement, Thomé-Génot, sous-traitant automobile basé à Nouzonville, spécialisé dans la fabrication de pôles d'alternateurs, employait en 2004 plus de 300 salariés.

Alors que d'autres candidats étaient sur les rangs, le tribunal avait accordé sa préférence au groupe US Catalina au motif que celui-ci préservait les emplois (et promettait même d'en créer d'autres). L'illusion ne dura guère. Deux ans plus tard, les dirigeants prenaient la poudre d'escampette et regagnaient le pays de l'oncle Sam, et la colère des salariés embrasait le département plusieurs semaines durant…

Des affairistes sans scrupule

Mardi, devant les magistrats de seconde instance, Me Médeau a rappelé que la décision prise en 2004 souffrait selon lui de plusieurs manquements. Et, c'est l'intérêt de l'appel, a pu dans ses conclusions répondre aux objections de la partie adverse ainsi qu'aux attendus objectés par le tribunal de Charleville (lire par ailleurs)…

« Il est foncièrement évident qu'il n'est pas question de prétendre à la responsabilité du tribunal de commerce de ne pas avoir prévu la liquidation judiciaire. Il est uniquement demandé de constater que cette juridiction au moment où elle a homologué le plan de reprise Catalina, a failli à ses obligations les plus élémentaires. Toute offre doit comporter (selon le code et la jurisprudence) les prévisions d'activité et de financement ; le prix de cession et de ses modalités de règlement ; la qualité des apporteurs de capitaux et le cas échéant leurs garants ; la date de réalisation de la cession ; le niveau et les perspectives d'emploi justifiés par l'activité considérée ; les garanties souscrites en vue d'assurer l'exécution de l'offre ; les prévisions de cession d'actifs au cours des deux années suivant la cession. »

Et Me Médeau de noter : « En outre, l'auteur de l'offre joint, lorsqu'il est tenu de les établir, ses comptes annuels relatifs aux trois derniers exercices et ses comptes prévisionnels. Le juge ne peut retenir une offre ni expresse, ni précise, ni formalisée, ni conforme aux prescriptions de la loi. Or, en l'espèce le dossier de reprise ne contenait aucun élément comptable relatif à la société Catalina. De plus, il n'existait conformément au texte précité aucunes « garanties souscrites en vue d'assurer l'exécution de l'offre ». Mieux, le jour même de l'audience, les dirigeants de Catalina ont indiqué au tribunal que le Fonds Lightyear n'apportait plus son financement de 3 millions de dollars ! » Pour les salariés et leur conseil, ce jour-là, « le jugement d'homologation avalisa en toute connaissance de cause, un plan de reprise de la société Thomé-Génot par une coquille vide ! Au final Catalina se voyait attribuer 75 % des actions pour la modique somme de 1 € en parfaite contradiction avec l'offre initiale. »

Loin du langage juridique habituel, Me Médeau fulmine : « Le tribunal savait donc pertinemment qu'il livrait les yeux fermés plus de 320 salariés à la cupidité d'affairistes sans scrupule. Dès lors deux fautes grossières et caractérisées sont à relever à l'encontre du tribunal de commerce de Charleville. Le fait de ne pas avoir respecté sciemment les dispositions légales en statuant sans le moindre élément comptable du repreneur.
En homologuant, non moins sciemment, un plan de redressement par cession non conforme à l'offre déposée et qui ne contenait plus aucun financement. Elles constituent chacune une faute lourde sur le fondement de l'article 11 de la loi du 5 juillet 1972. »
Délibéré attendu pour le 3 avril.